Je me suis souvent demandé comment j'aurais agi sous l'occupation. Facile à dire, pensent certains, on ne peut pas savoir, pensent d'autres, mais moi je suis certaine que j'aurais résisté. Que j'aurais pris des risques, que j'aurais caché des juifs. Que j'aurais su réfléchir, remettre en question le gouvernement, que je ne me serais pas laissée embrouiller par Vichy, par la peur, par la flemme... Pas laissée endormir par le silence des pantoufles...
Mais je n'ai jamais connu la guerre.
J'ai depuis longtemps le sentiment que le monde pourrait être meilleur. Oh, c'est un peu flou, moins de violence, plus d'égalité... (C'est moi qui écris les discours des Miss). Je me suis engagée, un temps, auprès des anarchistes, dont j'admirais le purisme, la passion, la rage et la soif d'absolu. Mais de manifs en réunions, j'ai finalement l'impression que seul mon monde a changé. Je me suis déclarée féministe, et je le fais encore, dans les dîners auxquels j'apporte une bouteille pour Monsieur et des fleurs pour Madame... Surtout ne pas sortir de ma zone de confort, les féministes sont tellement décriées, je pourrais me mettre en danger, on pourrait ne plus m'aimer...
Mais si l'on était en guerre, je veux dire vraiment, comme en 39-45, alors là oui, c'est certain, je serais résistante !
Pourtant le monde continue de me déplaire, et de plus en plus peut-être, ça se précise un peu même si les contours du malaise restent flous... Mais que voulez-vous ? C'est comme ça, on n'y peut rien ! Il y aura toujours de la misère et des guerres, des viols et des multinationales qui vendent aux enfants des pommes empoisonnées...
Quoique... C'est vrai, maintenant que j'y pense, il existe des gens, des familles qui agissent. Qui luttent à coup de consommation. Qui résistent en remplissant des bocaux de bio, de vrac, de local.
Depuis quelque temps c'est vrai, je ne sais que faire de mon admiration pour les Zéro Déchet et autres semeurs d'espoir. Mon amie Aurélie en est une parfaite ambassadrice : fille normale, vie normale, boulot normal (un peu chiant, même, donc vraiment normal)... Et d'un coup, elle passe d'ordinaire à extraordinaire, parce qu'elle, au moins, pourra se regarder dans la glace quand nos enfants nous demanderont ce qu'on a fait pour arrêter le carnage.
En fait, des familles agissent au lieu de désespérer d'un monde qui part en couille, qui se réchauffe, qui vend de la bouffe pleine de cancer, qui fabrique des produits inutiles pour créer une richesse factice dans le but d'acheter des produits inutiles... Un monde qui tourne à l'envers à bien des égards.
Ces familles qui agissent au lieu de se lamenter, ce sont les nouveaux justes, les nouveaux résistants.
Et moi ? Moi j'admire, moi j'applaudis, moi j'approuve, moi je partage sur facebook, moi j'en parle autour de moi, moi j'en parle sur mon site. Mon boulot, c'est la com, alors je communique !
Moi, je dénonce la grande distribution qui étrangle, étouffe et écrase les PME à coups de guerre des prix, mais quand le frigo est vide, je fais un Leclerc drive sur mon Iphone, c'est tellement pratique ! Et je jette mes emballages dans une poubelle qui déborde, et je donne des pommes empoisonnées à mes enfants parce que les fruits, c'est bon pour la santé...
Le Zéro Déchet, le bio, le local, j'aimerais bien, vraiment, mais là je n'ai pas trop de temps, et puis il faudrait changer tellement d'habitudes, j'ai la flemme vous comprenez...
Mais si c'était la guerre, ah oui, c'est sûr, je serais résistante !