Boys don't cry

Comme vous êtes une femme admirablement ouverte d’esprit, vous vous intéressez à de nombreux sujets. A une époque de votre vie, pas si lointaine, vous vous êtes demandé dans un sursaut d’humanisme, comment changer ce monde pourri jusqu’à la trogne. Et vous vous êtes répondu que ça vous aiderait peut-être à y réfléchir d’adhérer à un mouvement libertaire. Oui, oui, « libertaire » comme dans « anarchiste ».

Ca vous a valu, dans une famille plutôt Figaro que Libération, de demeurer à tout jamais « la communiste ». Alors que ça n’a rien à voir, mais vous avez fini par abandonner. Vous êtes un peu leur garantie d’ouverture, la Fadela Amara du premier gouvernement Sarko… Une sorte de mascotte, et finalement ça leur plaît quand, de loin en loin, vous évoquez l’idée de pendre le dernier patron avec les tripes du dernier curé !

Mais vous avez rencontré à cette époque des gens passionnés, et des discussions extrêmement enrichissantes que vous partagiez avec les anarcho-féministes, vous avez gardé une conviction. L’égalité entre les hommes et les femmes se construit dès le plus jeune âge.

Le problème avec les convictions, c’est que quand vous en chopez une, vraiment, elle devient viscérale. Si vous vous mettez à croire en Dieu, ça vous désole sincèrement de compter toutes ces brebis égarées… Si vous devenez écolo, ça vous donne des nausées de voir voltiger un sac plastique… Eh bien si vous devenez féministe, entendre un blague sur les blondes vous hérisse le poil (que vous avez fort long, car vous écopez alors d’une interdiction formelle de vous en séparer).

Laissez-moi tout de même vous dire que vous avez choisi la plus pratique des convictions, parce qu’il existe en réalité autant de féminismes que de féministes. Ce qui vous permet, au nom de votre nouveau cheval de bataille, de vous positionner :

- Sur la mixité : pour, car elle favorise l’égalité, ou contre, car elle favorise la relation dominant/dominée

- Sur la dépénalisation de la prostitution : pour, car elle est un droit des femmes à disposer de leur corps, ou contre, car elle encourage à concevoir les femmes comme des objets sexuels

- Sur le salaire parental : pour, car il est une reconnaissance du travail réalisé à la maison, ou contre, car il inciterait les femmes plus que les hommes à retourner à la maison

- Sur l’allaitement maternel : pour, car il est pour les femmes une réappropriation naturelle de leur corps et de ses fonctions, ou contre, car il est une aliénation supplémentaire à ses enfants

Au nom du féminisme, vous pouvez aussi être lesbienne, bi ou hétéro, être hyper féminine où très masculine, coucher avec tout le monde ou demeurer vierge, faire pipi assis (pour un garçon) ou debout (pour une fille)...

Non, vraiment, je vous assure, c’est un concept très commode ! D’ailleurs, évidemment, vous vous étiez promis-juré-craché d’éduquer vos futurs enfants, filles ou garçon, exactement de la même façon, parce que c’est là la racine du mal…

Alors, le jour ou vous offrez à votre fils un déguisement de Superman et une Barbie à votre fille, gardez la tête haute, et considérez simplement que d’égalitaire, votre féminisme est devenu différencié. Mais oui, c’est très important que les filles et les garçons assument leurs différences… s’ils ont bien conscience que leur valeur intrinsèque est la même !

Oui, bon, le plus simple, c’est encore de ne rien dire à voix haute si vous sentez poindre une conviction. On ne sait jamais, vous pourriez changer d'avis...