Le travail c'est la santé

A sept ans, vous vouliez être fleuriste. Pour que ça sente bon dans votre magasin. Vous avez abandonné l’idée en prenant la mesure du nombre infini d’espèces que vous auriez à mémoriser… Vraiment trop de boulot ! Vers treize ans, vous vous êtes tournée vers le concept du « riche et célèbre ». Chanteuse, actrice… Peu importait, tant qu’il y aurait de belles robes et des hordes de fans en délire. Vous avez abandonné l’idée en prenant la mesure du nombre infini de producteurs avec lesquels il vous faudrait coucher… Cette idée vous est revenue vers vingt ans, mais vous l’avez à nouveau bannie en vous mariant !

Vous avez encore, dans le désordre, pensé être journaliste, wedding planner, prof de philo, astrologue, responsable d’agence matrimoniale, publiciste, attachée de presse… Et quantité de métiers qui, en plus de vous passionner, auraient contribué à vous donner, en public, une sacrée personnalité.

En avez-vous vraiment pris les moyens ? Pas franchement. Toujours est-il qu’aujourd’hui, que vous en endossiez la faute ou que vous la balanciez sur les aléas de la vie, il se trouve que votre boulot est un sujet sur lequel vous évitez de vous étendre lorsqu’on vous demande de quoi il s’agit.  Non qu’il soit particulièrement dégradant ou mal payé (encore que, après toutes ces années d’études et de formation, vous auriez pu vous accrocher à un meilleur barreau de l’échelle sociale), non que l’ambiance y soit affreuse, au contraire, vos relations sont excellentes avec chacun… Ce qui vous angoisse, finalement, c’est que votre métier est normal. Pas particulièrement glamour, sans grandes responsabilités, avec des horaires à respecter et le même salaire chaque mois. D’une banalité affligeante, comme sans doute 90 % des français qui travaillent !

Et comme vous, c’est sur ce lieu de travail qu’ils passent le plus clair de leur temps. Et comme vous, ils n’y vont pas à reculons, mais ils préfèrent quand même les vacances… Evidemment, ça n’a rien de grave d’être ordinaire, et vous vous estimez déjà heureuse d’avoir un boulot. D’autant que s’il en est ainsi de votre vie professionnelle, votre vie personnelle est, pour sa part, beaucoup plus riche. Ah, de ce côté, on peut dire que vous n’avez pas chômé !

Seulement, est-ce parce que votre mère vous a trop souvent répété à quel point vous étiez extraordinaire ? Au fond, vous croyez mériter mieux. Mais comme vous avez passé la trentaine, vous vous demandez s’il n’est pas déjà trop tard… S’il ne faut pas, comme 89 % des français qui travaillent avec une motivation toute relative, vous contenter sagement de ce que vous avez, et qui vous permet au moins de vous éclater en sortant du boulot, puisque finalement, c’est ce qui compte, non ?

Pourtant… L’Antigone d’Anouilh vous trotte encore en tête (c’est bon, arrêtez de vouloir prouver à tout le monde que vous avez fait des études !) : « Moi je veux tout, tout de suite. Je ne veux pas me contenter d’un petit morceau si j’ai été bien sage. »

Mais non, bien sûr qu’il n’est pas trop tard… Regardez toutes ces reconversions dans votre entourage, ou dans les magazines : au contraire, c’est le moment ! Non seulement vous êtes toujours extraordinaire, mais en plus, maintenant, vous avez la maturité nécessaire…

Allez donc lire les petites annonces : il existe certainement une entreprise dans votre région qui recherche une astrologue sans expérience… !