Mauvais coton
Mon grand-père avait une maxime. « Il faut assumer ses contradictions. », disait-il. Bien utile de la déclamer, l’œil malin, à tout bout de champ, pour rendre acceptable un moins glorieux « Faites ce que je dis, pas ce que je fais. ». Avoir des principes, comme tout le monde, et ne pas les appliquer, comme tout le monde.
Voilà pour poser le décor. Parce qu’il m’est arrivé un truc l’autre jour, un truc qui m’inquiète vraiment, une contradiction de plus entre ce que je revendique et ce que je vis, mais que j’ai du mal à assumer, cette fois. Avec mon amoureux, on est sortis séparément. Jusqu’ici, tout va bien. Chacun de notre côté, les soirées étaient plutôt kids friendly (nos amis sont bien plus sympas que nous en ce qui concerne les enfants des autres…). Alors, comment nous sommes-nous partagés les enfants ? Très simplement, j’ai pris les trois, et lui aucun.
Attention, aucun reproche à son encontre, il n’a pas insisté, soit, mais je ne l’aurais pas fait non plus à sa place, croyez-moi ! Non, c’est moi qui ai décidé de faire comme ça. Soi-disant que c’était plus simple. Soi-disant que la petite s’endort mieux avec moi (évidemment, si je prends la main d’office…). Soi-disant que les grands avaient leurs copains, c’était plus sympa pour eux. Soi-disant qu’il allait plus loin, alors comme il serait forcément alcoolisé, mieux valait qu’il soit sans enfant (parce que bien sûr, je suis nettement plus raisonnable. Hum.). Soi-disant qu’il avait un truc à faire pour le boulot, alors si bébé pleurait toute la soirée, ça allait emmerder tout le monde. Soi-disant que je préférais les avoir tous les trois cette fois, et être toute seule une prochaine fois. J’ai trouvé mille autres prétextes, on a fait comme ça, et tout s’est bien passé.
N’empêche, ça me turlupine. Assumer mes contradictions ne me pose habituellement aucun problème, y compris concernant ma seule grande religion : le féminisme. Etre mère de famille, au foyer, mariée, responsable de facto de la gestion administrative et familiale… Certaines puristes comparent simplement cela à de la prison, ou de l’esclavage, moi ça va, je gère. Quand j’ai des doutes, je me fabrique deux-trois théories un peu brinquebalantes et roule ma poule, je parviens à ne pas me radier de l’ordre des féministes.
Mais là… Je file un mauvais coton. Sérieusement, ça me faisait tout autant chier que lui d’avoir les trois enfants, mais au fond je préférais m’en occuper moi-même. Comme si j’assurais mieux. Pour maîtriser. Sans doute parce qu’à force de ne pas bosser à l’extérieur, c’est en passe de devenir mon domaine réservé.
Ce que me soufflent mes convictions, c’est que c’est mauvais pour moi (risque de pétage de boulon), mauvais pour lui (appauvrissement de sa relation avec les petits), et du coup, mauvais pour les enfants.
En plus, les grands ont enchaîné deux dvd pendant que je buvais du rosé. Pas certain que j'assure mieux...