ET J'AI CRIÉ
Ado, je trouvais mon prénom un peu vieillot. Il faut dire qu'on avait eu la drôle d'idée de m'affubler de celui de ma grand-mère... J'ai donc longtemps considéré que je portais un prénom de vieille dame.
Un prénom trop doux, presque effacé, un peu terne au fond. Un L et un N pour seules consomnes, sans même le H d'Hélène pour trancher, on a connu plus offensif ! Avec un prénom pareil, impossible d'afficher le caractère d'une Charlotte ou les convictions d'une Marion ! Privée des racines d'une Solenn ou d'une Tiphaine, de l'originalité d'une Kristell ou d'une Séverine, je me devais d'incarner parmi mes soeurs et mes cousines la douceur et la gentillesse, la discrète conciliation, l'héritage de Grand-Mère Aline.
Et puis j'ai découvert qu'une Aline pouvait tomber passionnément amoureuse et tenir tête à son père pour partir à moto (en short, la délurée !) avec son adoré à la fin des années 40. J'ai appris qu'une Aline pouvait mener de front deux réveillons à la fois, dans deux maisons différentes, sans faillir. J'ai mis du temps, mais j'ai compris qu'une Aline, sous couvert de dévouement, devait surtout avoir un sacré caractère pour gérer toujours en douceur son homme (issu de cette génération pour qui l'abnégation d'une épouse demeurait une évidence) et ses sept enfants (issus de cette génération pour qui l'abnégation d'une mère demeurait une évidence). J'ai su qu'une Aline était capable de se mettre à travailler, dans une époque et surtout un milieu ou la place d'une femme était au foyer, quand faire carrière demeurait une lubie.
Je la croyais soumise, j'ai découvert une femme capable de mener sa barque exactement comme elle l'entendait, et où elle le voulait.
Depuis, j'ai un prénom de femme forte, déterminée, et même un peu rebelle. Merci Grand-Mère Aline !