On ne laisse pas bébé dans un coin
On m’avait dit que ça existait, que d’autres le faisaient sans crainte. Oh, pas longtemps, le temps d’une petite course où d’un tour à la Poste… Des parents, souvent des mères d’ailleurs, qui avaient tant de choses à faire dans la journée qu’envisager chaque déplacement avec ce chargement supplémentaire serait un lourd ralentissement.
Alors, je me suis dit que je ne courais pas plus de risques qu’une autre, et je l’ai fait aussi. Il était 16h44, les deux grands sortaient dans une minute de l’école, et j’étais encore à la maison. Avec quatre minutes de trajet en sautant tout de suite dans la voiture, j’étais encore large. Oui, à mon sens, la largeur en matière de timing scolaire, c’est d’arriver avant que mes enfants ne soient envoyés à la garderie. Voire au commissariat. Un sujet que j’aborderai une prochaine fois.
Mon bébé d’à peine quatre mois dormait comme un serbo-croate bourré à la vodka frelatée. Il faut dire qu’elle avait passé la journée à lutter contre le sommeil, me laissant du même coup une liberté toute relative pour pratiquer les activités indispensables à mon épanouissement et à celui de ma famille (qui sont rarement les mêmes, notons bien). J’avais donc deux solutions : soit je l’emmenais avec moi, au risque de la réveiller et d’être bien en retard, soit je la laissais dormir paisiblement, ce que je n’avais jamais osé faire jusqu’à présent. Allez, j’en ai pour dix minutes, je tente le coup.
Dans la voiture, je continue de me persuader que j’ai eu raison. Après tout, c’est bien mieux pour elle et son équilibre nerveux… Et puis, franchement, quel est le risque ? Qu’elle se réveille et pleure un peu ? Même si ça dure un quart d’heure, ce ne serait pas la première fois que ça lui arrive, même en ma présence (car oui, j’ai pris de la bouteille, maintenant j’y arrive à laisser pleurer !). Non, sérieusement, elle ne peut pas tomber de son lit à barreaux… Oui, mais si quelqu’un venait cambrioler la maison ? Voyons, en plein après-midi, c’est peu probable. Oui, mais si ça arrivait quand même ? Oh, dans ce cas-là, il prendrait la télé et mes bijoux Promod (il ne serait pas déçu par la valeur de ma joaillerie !) et partirait en voyant le bébé… Oui, mais si justement il se disait que c’était une belle aubaine, et qu’il l’enlevait pour la vendre une petite fortune à un réseau pédophile ? Tout ça à cause de moi, quelle horreur !! Non, il faut que j’arrête de foleyer, c’est n’importe quoi, tout va bien se passer, allez, je me dépêche.
Enfin, que je me dépêche… Il ne faut pas que j’aille trop vite non plus : et si j’avais un accident ? C’est bien connu, c’est sur les trajets courts et habituels qu’ils sont les plus nombreux ! On m’emmènerait à l’hôpital, et dans un état comateux je ne pourrais prévenir personne que ma fille est seule à la maison, abandonnée en panique dans son lit… Mais quelle mère suis-je pour lui faire ça ?! Si je meurs, mieux vaut que ce soit avec elle, non ?
Allez, vite, les enfants, dépêchez-vous, on est pressés !
Je crois que j’ai mis 9 minutes pour faire l’aller-retour. En arrivant, elle dormait toujours… Et ça a bien duré une demi-heure de plus. Expérience concluante, donc, c’est vrai qu’elle était beaucoup mieux dans son lit…
Mais malgré ça… Je ne le ferai plus jamais !
Crédit image : Camille Pasquet