De la cohérence
Quand je croyais être anarchiste, je fréquentais des gens particulièrement intéressants. C’est toujours le cas depuis que j’ai viré petite-bourgeoise, simplement les sujets sont différents…
Je me souviens entre autres d’un débat récurrent sur l’éventualité, en tant que personne dotée de fortes convictions politiques, de développer une amitié avec des gens de valeurs très divergentes. Les uns considéraient que dans une certaine limite, c’était parfaitement jouable, les autres plaçaient ces convictions au premier plan, ce qui rendait impossible toute relation affective avec quiconque en désaccord profond. Moi, pour changer, j’hésitais, et puis comme déjà à l’époque j’étais une femme, je fermais ma gueule.
Pourtant j’ai toujours été entourée, en famille ou entre amis, de personnes aux opinions politiques variées mais discrètes, d’où ma découverte extrêmement tardive du concept même de militantisme. Alors si j’avais suivi le raisonnement, j’aurais du faire une croix sur une bonne partie des personnes que j'aimais. Trop dur, c’est sans doute la raison pour laquelle mes penchants politiques n’ont jamais réussi à se changer en certitudes.
J’ai abandonné bien des convictions en route, mais certaines choses me filent encore un peu la gerbe. Moi qui suis plutôt lâche, j’ai réussi jusqu’à présent à éviter la confrontation avec les gens chez qui le sexisme, l’homophobie ou le racisme s’érige en modus vivendi. Quand je peux, je les fuis, quand je ne peux les fuir, j’évite de leur parler, quand je dois leur parler, j’évoque le mauvais temps (« en plein mois de mais, non mais c’est dingue ! »).
Et puis voilà que le monde moderne me confronte à un nouveau cas de figure. Je me suis (ré)inscrite sur Twitter, que je consulte sporadiquement, j’ai peu de followers mais j’y suis des gens passionnants (comme @LaPeste, @MarguerinLDN) ou drôles (comme @Hernstburgler). Bref, ça me va. Et voilà-t-y pas qu’un jour, suite à cet article dans le journal, je reçois les félicitations twittesques d’une inconnue. Flattée, je consulte son profil : très « France aux Français », très peu mariage pour tous, très angoissée par la décadence de notre société, une TL truffée de petites flammes bleu-blanc-rouge et d’images pieuses. Extrêmement à droite, avec tout ce que ça implique de racisme, d’homophobie et de sexisme. Ah tiens, revoilà la gerbe.
Lâche, vous dis-je, je n’ai pas répondu. Je me suis questionnée, elle s’est adressée à moi avec gentillesse, je ne pouvais décemment pas l’agresser ? Et puis n’est-ce pas ce que j’espérais au fond, un peu de popularité ? Je n’allais tout de même pas cracher dans la soupe, après tout chacun pense ce qu’il veut…
Oui mais non.
Avec toute ma lâcheté, je te le demande nouvelle lectrice, arrête de me suivre. Je ne veux pas être appréciée par quelqu’un qui apprécie aussi Marine le Pen ou Dominique Venner, qui prie pour le salut de la France face à son islamisation, ou RT des appels à la manif pour tous (« Et si c’était la dernière fête des mères ? »). Mon blog est loin d’être militant, mais ces valeurs-là sont à l’exacte opposée des miennes, alors s’il te plaît, restons-en là, on ne sera jamais d’accord.